Le Négationnisme


"Tout sera oublié, rien ne sera réparé" Milan Kundera, dans La PLaisanterie.

Les mots ont un sens pour le Front National.

Il est indispensable de ne pas se laisser emprisonner dans les concepts et le vocabulaire imposés par le FN et l'extrème droite. "Des historiens débattent", affirme Jean-Marie Le Pen. Non ! Des historiens discutent en effet et débattent des années 1933-1945. "Il n'y a pas d'histoire parfaite, explique Pierre Vidal-Naquet. Rien n'est plus naturel que la révision de l'histoire."

Le temps lui-même modifie le regard de l'historien. L'évolution dépend des documents réunis, mais aussi des valeurs de l'époque au cours de laquelle l'historien travaille. Ainsi, le baptême de Clovis est il aujourd'hui mieux connu qu'il y a un siècle et donne lieux à de nouveaux débats. L'Histoire de la déportation a elle aussi connu ses variations. Mais elles ne remettent pas en cause l'immense quantité de documents recueillis. Tous les historiens sont d'accord sur l'essentiel : le régime national-socialiste a mené une politique systématique, à grande échelle, de destruction des juifs d'Europe. Cette politique a trouvé son application dans la mise en oeuvre des camps de la mort. Près de 6 millions de juifs ont été exterminés au cours de cette période.

D'autres, qui ne sont pas historiens, ne révisent pas l'histoire. Ils la nient, obstinément, aveuglément. Ils se font appeler historiens révisionnistes : abus de titre en réalité car ils ne sont ni l'un ni l'autre. Robert Faurisson est professeur de lettres, Bernard Notin est économiste. Ils ne sont pas révisionnistes mais négateurs. Leur activité consiste à rechercher, dans les témoignages des rescapés et des bourreaux, les prétendues "preuves" de l'inexistence des chambres à gaz. "La conclusion est antérieure aux preuves", note Pierre Vidal-Naquet.

Le Front National dit :

Jean-Marie Le Pen : "Je ne connais pas les thèses de Faurisson et de Rocques. Mais quelles que soient ces thèses et quelles que soient celles développées intellectuellement, je suis partisan de la liberté de l'esprit. Je pense que la vérité a une force extraordinaire qui ne craint pas les mensonges ou les insinuations. Par conséquent, je suis hostile à toutes les formes d'interdiction et de réglementation de la pensée (...). Je suis pasionné par l'histoire de la seconde guerre mondiale. Je me pose un cetain nombre de questions. Je ne dis pas que les chambres à gaz n'ont pas existé. Je n'ai pas pu moi-même en voir. Je n'ai pas spécialement étudié la question. Mais je crois que c'est un point de détail de l'histoire de la seconde guerre mondiale." Déclaration lors du Grand Jury RTL-LE Monde, 13 septembre 1987.

Présent : Il est regrettable que le professeur Faurisson n'ait pas été invité [au procès Barbie].

Jean Faure : "L'existence des chambres à gaz est un vague murmure qui parcourt les ondes depuis trente-cinq ans. Les épigones gaulliens laissent loin derrière eux les fameux bourreaux SS." Présent, mars 1981.

Maître Delacroix : "Auschwitz, pourquoi pas un montage ?" Maître Delacroix est défenseur de Robert Faurisson et plaidait le 12 juin 1990 pour un cadre FN poursuivi après la publication d'un article négationiste dans un journal de Seine-et-Marne.

François Duprat : "Submergés par l'afflux de déportés, les SS se sont montrés incapables de leur assurer un minimum vital ce qui a entrainé de très nombreux décès. Mais le problème des chambres à gaz reste entier. Le fait est aujourd'hui démontré, le fameux zyklon B servait bien à la désinfection des habits des détenus. Son achat par les SS n'est donc pas une preuve d'extermination (...). La solution finale, qui pèse d'un poids si lourd sur le jugement que l'on porte sur la SS, n'est donc ni démontrée comme voulue, ni prouvée comme ayant été accomplie dans les formes énoncées." histoire des SS, 1968.

Le négationnisme au Front National

Comme le racisme et l'antisémitisme, le négationnisme n'est pas une idée nouvelle pour le FN. Il en porte les traces dès sa fondation. Son secrétaire général, de 1972 à 1978, s'appelle François Duprat. Ce dernier se veut intellectuel plus que militant, écrivain et surtout "historien". Réactionnaire et nostalgique de l'ordre nazi, il n'hésite pas à comparer les soldats SS aux chevaliers du Moyen-âge. il est surtout un pionnier du "révisionnisme historique". Il s'est fait un devoir d'absoudre chacun des crimes SS. Aujourd'hui, le FN reste profondément "révisionniste". L'université Lyon III a été souvent présenté comme le haut lieu de la pensée négationniste. Coïncidence, les proches du FN n'y sont pas rares : Jean-Paul Allard, membre du comité de soutien de J.-M. Le Pen pour les présidentielles de 1988 et directeur de la thèse d'henri Rocques (lui-même membre du FN), le doyen Bruno Gollnish. Depuis 1990, L'université Jean Moulin (Lyon III) tente d'effacer cette réputation.

Les objectifs du négationnisme

Nier l'existence des chambres à gaz ouvre la voie à la réhabilitation du national-socialisme puis à l'antisémitisme. Pierre Vidal-Naquet note avec étonnement : "[Le négationnisme] ne s'intéresse ni aux malades mentaux, ni aux tsiganes et encore moins aux prisonniers de guerre soviétiques mais aux seuls juifs. Pourquoi ce choix ? Le négationnisme est indissociable de la haine antisémite."

Edgar Morin a très bien expliqué le fonctionnement du négationnisme, comme un système à trois niveaux. Le premier niveau concerne l'existence des chambres à gaz et notamment de celles d'Auschwitz-Birkenau. Les pièces du dossier font ressortir les contradictions, invraisemblances et insuffisances des témoignages, les difficultés ou impossibilités techniques.

Du premier niveau, on passe au deuxième. La chambre à gaz est le mythe du dragon, qui, une fois abattu, fait crouler dans sa chute l'hypothèse de l'extermination des juifs. Les arguments de tous les négationnistes sont toujours les mêmes sans qu'ils cherchent jamais à en apporter la moindre preuve. La forte mortalité dans les camps est attribuée à des "causes naturelles" qui frappent toute la population, détenus compris : malnutrition, épidémie, typhus. L'hypothèse a été présentée une première fois par Paul Rassinier, puis par françois Duprat, Darquier de Pellepoix, robert Faurisson... L'abandon du génocide invite à revisiter et réviser notre vision de la Seconde Guerre Mondiale. La monstruosité du nazisme devient un mythe fabriqué par les vainqueurs pour faire porter au vaincu le fardeau des horreurs de la guerre.

Enfin, les chambres à gaz seraient une invention sioniste destinée à légitimer Israël puis à le faire financer par le peuple allemand.

En remettant en cause l'existence du génocide juif, les négateurs espèrent être largement payés en retour : le national-socialisme et plus généralement des idéologies nationalistes se trouvent soulagés de l'héritage de la Seconde guerre Mondiale.

Le FN a intégré le négationnisme dans ses théories politiques dans le but avoué de réhabiliter le régime de Vichy. Lorsque Jacques Chirac reconnait la responsabilité de la France dans la rafle du Vel' D'hiv', le bureau du FN estime que Jacques Chirac salit la nation et sa mémoire, en allant jusqu'à utiliser l'argument de la responsabilité collective(...). Il s'en prend à l'honneur de tous les français, de leurs parents et de leur grands-parents.

Pour le FN, l'honneur est du côté de Laval qui organisa la déportation des juifs et y ajouta celle des enfants.